Aide psychologique aux victimes
Interview de Viviane Batton Paillat par Virginie Martin Politologue et Sociologue
VM : Il y a un certain nombre d’aides juridiques qui sont apportées aux familles de victimes, le volet psychologique existe, bien sûr, mais semble être outillé de manière un peu minimaliste. Que pourrait-on faire pour mieux répondre aux questions des chocs psychologiques, stress aigu, traumatisme en général ?
VBP : Je pense que pour aider un maximum de victimes, il faudrait que nos responsables entendent la demande récente de l’OMS à tous les Etats du monde. « Que toute personne victime d’un attentat bénéficie de la neuropsychothérapie EMDR », le plus rapidement possible après l’attentat.
Déjà, le 6 août 2013, L’OMS publiait des orientations pour la prise en charge des stress post-traumatique, stress aigu et deuil, sur les soins de santé mentale après un traumatisme. Elle recommandait alors l’EMDR comme psychothérapie pouvant sortir les victimes des états de stress post-traumatiques. « On peut envisager d’orienter les patients en état de stress post-traumatique vers des traitements spécialisés tels que la thérapie cognitivo – comportementale (TCC) ou une nouvelle technique dite de désensibilisation et de reprogrammation par le mouvement des yeux (EMDR). Ces techniques aident les sujets à atténuer les souvenirs vivaces, non désirés et répétés d’événements traumatiques. Il est recommandé de renforcer la formation et la supervision en vue de les diffuser plus largement. A cette époque, l’EMDR est déjà reconnue d’utilité publique dans de nombreux pays.
Après l’attentat de la tour fédérale d’Oklahoma City d’avril 1995, une praticienne EMDR a créé l’HAP (Humanitarian Assistance Program). 186 cliniciens volontaires, praticiens de la thérapie EMDR, ont assuré pendant 6 mois une permanence pour traiter les survivants et les pompiers, et former des professionnels de la santé mentale à la thérapie EMDR pour détraumatiser la population locale, enfants et adultes.
Depuis 1995, l’organisation américaine HAP a essaimé des milliers de volontaires dans de nombreuses villes des États-Unis et dans le reste du monde pour effectuer des séances de détraumatisation par l’EMDR d’enfants et de leurs parents lors de catastrophes naturelles ou d’origine humaine. HAP a collaboré avec des organisations locales de santé mentale pour le soutien de populations particulièrement vulnérables. HAP a assuré des formations de professionnels sur place, et permis la constitution de réseaux de praticiens de la thérapie EMDR locaux : Irlande du Nord, Écosse, Balkans, Ukraine, Mexique, Salvador, Bangladesh, Turquie, États-Unis, Italie, Israël, Palestine, Kenya, Inde…
En 2003, des praticiens de la thérapie EMDR belges, allemands, autrichiens et hollandais réalisent des projets humanitaires de formation en Chine, en Pologne et en Slovaquie. Le réseau HAP Europe est né. Il regroupe aujourd’hui des associations nationales HAP de plusieurs pays européens et d’Israël.
En janvier et novembre 2015 HAP France a proposé à la cellule d’urgence médico psychologique CUMP des praticiens EMDR bénévoles pour venir en aide aux victimes après les attentats de Charlie Hebdo et du Bataclan. En juillet 2016, notre association de praticiens EMDR-France reconnus EMDR-Europe a proposé ses services à Nice. Je ne sais quel a été le nombre de personnes traitées par l’EMDR dans ces trois cas.
La France est en retard dans la reconnaissance du psychotraumatisme et dans la connaissance des bienfaits sur le cerveau de l’EMDR alors que cette thérapie est maintenant reconnue mondialement. Je pense qu’il serait bon d’informer davantage nos concitoyens sur le mode de fonctionnement du cerveau et de la possibilité d’être aidé après un attentat ou un événement hors du commun dans leur vie. Il pourrait y avoir moins de personnes en état de stress post traumatique à vie, moins de corps et de cerveaux abimés par les médicaments qui ne sont que palliatifs mais pas curatifs.
Je pense aussi qu’il est temps que nos dirigeants entendent enfin le message que David Servan Schreiber voulait faire passer au sujet de l’EMDR. Il était professeur en psychiatrie, chercheur auquel l’Amérique avait attribué une unité de recherche à Pittsburg, élève et bras droit de Francine Shapiro (j’espère qu’un jour elle aura un prix Nobel pour l’EMDR qu’elle a créé). Il était persuadé lorsqu’il est revenu en France pour booster notre institut EMDR de l’époque en 2003, que 10 ans plus tard, l’EMDR serait enseignée dans tous les CHU formant des psychiatres en France. Nous sommes en 2017, 14 ans plus tard, cela n’est pas, et David mort en 2014 n’a pas vu ce qu’il souhaitait voir se réaliser pour ses concitoyens.